10 juin 2025

l’histoire de ermolaï vakoliavitch, par alessandro (2/3)

 

Jean-Francois Sivadier dans "Italienne scène et orchestre"



 

C’est lui qui m’a appris la convocation du processus d’animalité tu butes sur quelque chose tu convoques un animal tu le mets dans le personnage et tu trouves

Tu veux jouer la colère

Tu convoques un fauve tu le mets dans le personnage et tu trouves

C’est lui qui m’a appris à jouer comique

Je voulais toujours jouer comique il m’a dit « tu n’es pas assez drôle

Trouve ta propre risibilité » et j’ai trouvé

Avant j’étais moins drôle que maintenant c’est marrant hein ? C’est comme ça

Si je ne l’avais pas rencontré je serais devenu fou ou peut-être comédien

 

Le rôle de sa vie c’était Boris Godounov

Il disait » je veux bien mourir mais après que j’aurais chanté Boris » bon d’accord il avait chanté beaucoup de rôles mais il voulait Boris il ne pensait qu’à ça vingt ans qu’il travaillait le rôle mais on lui disait

« Attends ta voix n’est pas prête attends ta voix n’est pas prête »

Il a attendu sa voix il a attendu il ne voulait rien d’autre que Boris il ne travaillait plus

Alors les gens ils ne s’intéressaient plus à lui c’est marrant hein ? C’est comme ça

On lui a dit « mais donne des cours » il a dit « oui mais seulement au petit » le petit c’était moi mais moi je n’avais pas de quoi payer il a dit

« Je préfère un bon élève qui n’a pas de sous que la contraire »

 

Il ne voulait aucun autre élève que moi ça tombe bien les parents des autres enfants préféraient les grandes écoles

Avec les meilleurs professeurs mais moi j’étais bien avec mon ErmolaÏ

Parce qu’il prenait toujours le temps de m’expliquer et quelquefois il pétait un peu les plombs
Il me chantait des airs de Boris dans la cuisine

Ça a duré cinq ans et un jour on lui a dit

« Ta voix est prête » et le même jour le petit opéra a décidé de programmer

Boris Godounov et alors là

Mon petit père est devenu fou il m’a pris dans ses bras « je vais chanter Boris dans ma ville natale et après si je veux je peux mourir » quand je pense à tout ça je suis ému hein c’est normal je l’ai vécu et un soir

 

Extrait de « Italienne scène et orchestre » de Jean-François Sivadier

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire