12 juin 2025

l’histoire de ermolaï vakoliavitch, par alessandro (3/3)

 

Jean-Francois Sivadier dans "Italienne scène et orchestre"


 

Un soir je vais chez lui il ne buvait jamais il s’était enfilé deux litres de vodka complétement cuite et à côté, il y avait son chien un petit bâtard sans trop de poils un peu bourré aussi parce qu’il avait dû lécher la vodka sur le carrelage

 

Alors je lui dis « eh mon petit père qu’est-ce qui te met dans des états pareils ? » il me dit « ils n’ont pas voulu de moi pour chanter Boris ils disent que je ne suis pas le personnage ils disent « trop maigrelet » ils disent « pour jouer un tsar on ne peut pas engager un gars qui a le physique de son valet de ferme » mais moi je voulais chanter Boris dans ma ville natale parce que c’est là que je suis né et c’est ça que j’attends depuis trop longtemps »

 

Alors moi j’ai bu un peu pour le consoler mais lui vous savez ce qu’il a fait ? Il a commencé sans prévenir à enlever tous ses vêtements en parlant russe il a enfilé un grand manteau rouge qu’il avait chouravé à l’opéra ni une ni deux il est sorti dans la rue dans le froid tout nu dans son manteau il a commencé à courir dans les rues avec le petit chien qui dérapait en aboyant et moi je courais derrière lui « où tu vas où tu vas ? » et lui il gueulait des trucs en Russe il gueulait « Boris Boris pourquoi m’as-tu abandonné ? »

 

« Pourquoi m’as-tu abandonné ? » il a escaladé un petit muret pour grimper sur le toit d’une espèce de chapelle moi je ne pouvais plus bouger j’avais tellement peur qu’il dérape à cause de la pluie c’est lui qui m’a tout appris j’avais 10 ans j’entends encore la voix de mon père « monsieur faites de lui quelque chose on n’a pas de quoi mais on vous donne de la confiance on a vu le regard que vous avez posé sur lui »  si je ne l’avais pas rencontré où je serais je ne sais pas il était sur le toit de la chapelle des bras en l’air il hurlait que Boris l’avait trahi le chien le regardait avec des petits hoquets moi j’étais ébloui terrifié et c’est là qu’il a commencé et c’est une chose que je ne peux pas oublier

 

Il a commencé à chanter sur le toit de la chapelle tout ni dans son manteau en pleurant toutes les larmes de son corps il a chanté Boris sous la pluie il était complétement bourré mais il chantait parfaitement juste et en mesure avec des graves à t’exploser la tête il a chanté le rôle en entier ça a duré toute la nuit le chien s’est endormi pendant le premier acte et moi j’avais envie de monter à côté de lui pour m’exploser la tête avec ses vibratos comme un volcan en éruption et des gens se sont réveillés dans leurs maisons et ils ont commencé à l’insulter et puis ils ont arrêté de l’insulter ils sont descendus dans la rue avec des parapluies pour assister au spectacle d’Ermolaï Vakoliavitch celui qui m’a tout appris et j’ai pensé « ô soit fier mon petit père voilà tu l’as chanté sois fier il y a des gens et un petit chien qui t’auront vu chanter Boris » et cette nuit-là

Il s’est passé quelque chose c’est quand je l’ai vu tout maigrelet sous la pluie battante accroché à son rêve comme un enragé le pauvre diable comme un géant sur le toit de la chapelle dans le grand manteau rouge du tsar Godounov c’est là que j’ai compris que j’ai compris que le désir que le désir

 

Il est mort une semaine après il avait pris froid

C’est moi qui ai eu la garde du petit chien je l’ai appelé Boris

Après il m’a énervé et je l’ai vendu

C’est marrant hein ? C’est des histoires comme ça

 

Extrait de « Italienne scène et orchestre » de Jean-François Sivadier

10 juin 2025

l’histoire de ermolaï vakoliavitch, par alessandro (2/3)

 

Jean-Francois Sivadier dans "Italienne scène et orchestre"



 

C’est lui qui m’a appris la convocation du processus d’animalité tu butes sur quelque chose tu convoques un animal tu le mets dans le personnage et tu trouves

Tu veux jouer la colère

Tu convoques un fauve tu le mets dans le personnage et tu trouves

C’est lui qui m’a appris à jouer comique

Je voulais toujours jouer comique il m’a dit « tu n’es pas assez drôle

Trouve ta propre risibilité » et j’ai trouvé

Avant j’étais moins drôle que maintenant c’est marrant hein ? C’est comme ça

Si je ne l’avais pas rencontré je serais devenu fou ou peut-être comédien

 

Le rôle de sa vie c’était Boris Godounov

Il disait » je veux bien mourir mais après que j’aurais chanté Boris » bon d’accord il avait chanté beaucoup de rôles mais il voulait Boris il ne pensait qu’à ça vingt ans qu’il travaillait le rôle mais on lui disait

« Attends ta voix n’est pas prête attends ta voix n’est pas prête »

Il a attendu sa voix il a attendu il ne voulait rien d’autre que Boris il ne travaillait plus

Alors les gens ils ne s’intéressaient plus à lui c’est marrant hein ? C’est comme ça

On lui a dit « mais donne des cours » il a dit « oui mais seulement au petit » le petit c’était moi mais moi je n’avais pas de quoi payer il a dit

« Je préfère un bon élève qui n’a pas de sous que la contraire »

 

Il ne voulait aucun autre élève que moi ça tombe bien les parents des autres enfants préféraient les grandes écoles

Avec les meilleurs professeurs mais moi j’étais bien avec mon ErmolaÏ

Parce qu’il prenait toujours le temps de m’expliquer et quelquefois il pétait un peu les plombs
Il me chantait des airs de Boris dans la cuisine

Ça a duré cinq ans et un jour on lui a dit

« Ta voix est prête » et le même jour le petit opéra a décidé de programmer

Boris Godounov et alors là

Mon petit père est devenu fou il m’a pris dans ses bras « je vais chanter Boris dans ma ville natale et après si je veux je peux mourir » quand je pense à tout ça je suis ému hein c’est normal je l’ai vécu et un soir

 

Extrait de « Italienne scène et orchestre » de Jean-François Sivadier

07 juin 2025

l’histoire de ermolaï vakoliavitch, par alessandro (1/3)


Jean-François Sivadier dans "Italienne scène et orchestre"

 

Moi je voulais être comédien c’est marrant hein ? C’est comme ça

Un comédien

Mais ma voix m’est tombée dessus cadeau du ciel

Ermolaï Vakoliavitch vous voyez qui c’est ? C’est lui qui m’a formé

Il a dit à mes parents « votre petit là quand on a une voix comme ça on chante »

Il m’a dit « tu veux chanter petit ? »

J’ai dit « monsieur pour l’instant j’ai pas envie »

« L’envie ça vient avec le travail fais-moi une gamme »

 

ErmolaÏ Vakoliavitch c’est lui qui m’a tout appris mon petit pépère je l’appelais comme ça

Un petit bonhomme comme ça tout maigrelet

Une voix de basse avec des graves mon vieux qui t’explosaient la tête

Je ne sais pas où il prenait ses graves il n’avait pas de graisse

Il n’avait pas de graisse il ne mangeait rien

Il n’avait pas d’argent il le donnait à tout le monde

Il était tout maigrelet mais avec des graves qui t’explosaient la tête

 

Ermolaï quand j’en parle j’ai des picotements c’est normal un peu comme un deuxième père

Vous voyez la petite ville près de Rostov ? Avec la grande place ?

Il habitait là il n’avait plus d’argent du tout

Mais les habitants ils voulaient quand même garder leur petit opéra un petit théâtre tout pourri parce qu’ils disaient « il nous faut la musique on a faim mais on ne nous enlèvera pas notre musique »

Bon d’accord dans le théâtre tout était pourri mais ça senrait bon quand même

Chaque fois que je chante je pense à l’odeur du petit théâtre comme Proust avec ses madeleines

 

Chaque fois que je chante je pense à l’odeur du petit théâtre et à Ermolaï

Mon petit pépère

Tout maigrelet mais grand chanteur

Très grand comédien

Petit par la taille

Mais immense en expressions diverses

Don Carlos l’Inquisiteur

Il était dedans du début à la fin

Dedans dedans même à l’entracte :

Il demandait un café comme s’il allait dénoncer le serveur à l’Inquisition

 

Extrait de « Italienne scène et orchestre » de Jean-François Sivadier

 





06 juin 2025

scc aix-les-bains (savoie) • françoise lefèbre, harpiste


 

Françoise Lefèbre et Hervé Gallien

 
 
Le samedi 24 novembre 1973 à 17 heures, la Société des Concerts du Conservatoire d’Aix-les-Bains (Savoie), organisait au Foyer de l’Eden, à Aix-les-Bains, une conférence illustrée sur la harpe, par Françoise Lefèbre, professeure au  Conservatoire National de Région de Dijon, 1e Prix du Conservatoire National Supérieur de Paris. Elle retraça l’histoire de la harpe à l’aide de diapositives et interpréta des œuvres de Haendel, Nedvmann, Ibert et Tournier. Hervé Gallien, Directeur du Conservatoire la présenta au public venu nombreux.

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Conservatoire municipal de musique d’Aix-les-Bains (Savoie) 

Hervé Gallien, directeur (1969-2004)

Société des Concerts du Conservatoire

Hervé Gallien, directeur artistique


04 juin 2025


 

la brume s’est épaissie

elle a troublée ma pensée

quand le voile s’est levé

sur l’étendue de ma naïveté

 

J’ai cru que les bébés

naissaient dans les jardins

arrosés d’une foule de grains

trempée dans la rosée

 

c’est lorsque j’ai lu

les vers terrifiants de Wagner

que surgirent les éclairs

qui me rendirent la vue

 

c’est Wotan le dieu des dieux

qui du donjon de son château

où croupissent les corps des héros

parsème son sperme dans les creux

 

des jambes écartelées

des femelles humaines

qu’il a forgé dans la haine

pour se venger de son inutilité

 

je ne crois plus aux choux

et roses éjecteurs pulsionnels

géniteurs de corps sans ailes

où pullulent les germes fous

 

 

poèmes improvisés en vers ou parfois en prose

hag