Il y a 6 ans, presque jour pour jour, Kikill Petrenko succédait à Simon Ratte à la tête du Philharmonique de Berlin, successeur lui-même de Claudio Abbado, Herbert von Karajan et Wilhelm Furtwängler. Petrenko s’est trouvé à la tête d’un héritage somptueux, peut-être unique dans l’histoire des orchestres et de leurs chefs, ce qui a fait dire de la phalange qu’elle était l’unique et probablement la meilleure du monde. À peine adolescent (fin 1950), je me suis approprié vinyles, puis plus tard CD et DVD de cet orchestre magique et je ne crois pas qu’une seule nouveauté m’ait échappé, qu’elle soit commerciale ou pirate. Mon rêve a toujours été de l’écouter en salle et il m’a fallu attendre 70 ans pour y parvenir. Mercredi soir, j’étais à Lucerne dans la salle du Festival pour La 9e symphonie de Gustav Mahler que dirigeait Kirill Petrenko à la tête de son Orchestre Philharmonique de Berlin. Le moins que je puisse dire, c’est que je ne fus pas déçu. L’orchestre et son chef furent à la hauteur des on-dit. Je ne sais pas si j’ai vu et entendu le meilleur orchestre du monde, mais je sais que jamais de n’ai reçu un choc pareil. Il faut dire que les musiciens et leur chef m’ont conquis d’emblée, d’autant que pareille prestation, aussi dense et pénétrante, ne parvint jamais à mes oreilles et ne traduisit jamais avec autant de force, de conviction et de perfection cette symphonie si singulière par son monde chaotique, violant, assourdissant, puissant comme un colosse en ébullition, pour se terminer par un très long adieu, d’une intensité rare, qui se perd dans les eaux brumeuses et tièdes d’une fin de monde apaisée où les sons s’éloignent pour disparaitre dans un silence lumineux qui permet de les prolonger à l’infini. L’énergie contrôlée de Petrenko, sa maitrise absolue, sa vigueur et sa précision, sa simplicité et sa clarté, sa fusion totale avec les musiciens dont le niveau semble inaccessible, cette cohésion unique sans un semblant de faille, aura fait de ce concert un moment unique qui aura su arrêter un instant la marche de ce monde terrifiant qui nous entraine tous dans le noir du fond de mon puits au fond de mon jardin (voir « les montres sortent des urnes et du ventre des femmes » sur mon Blogger). Mahler, Petrenko, Orchestre Philharmonique de Berlin, Lucerne 2025, un carré d’or pour l’éternité.
