15 août 2025

eve, villanelle, deux en une.



 

 

Dans la perspective freudienne, Killing Eve illustre magistralement le duel et l’entrelacement de la pulsion de vie (Eros) et de la pulsion de mort (Thanatos). Eros : l’attirance irrésistible entre Eve et Villanelle, qui dépasse la logique, le genre et la morale. Thanatos : le danger permanent, le meurtre, la destruction, que chacune attire sur l’autre. Leur relation est une danse mortifère où l’amour ne peut se dissocier de la violence — un amour qui, pour exister, doit frôler la mort.

 

Eve et Villanelle fonctionnent comme des doubles psychiques : chacune incarne une part refoulée de l’autre. Eve : apparence de normalité, vie bourgeoise, mais fascination pour le transgressif et l’interdit. Villanelle : pur passage à l’acte, jouissance de la transgression, absence de surmoi moral classique. Eve projette sur Villanelle ses désirs refoulés, et Villanelle introjecte chez Eve une curiosité pour l’humain qu’elle n’avait pas. On pourrait parler ici de « miroir pervers », où chacune se découvre à travers l’autre. Leur attraction n’est pas d’abord une question d’homosexualité ou de bisexualité, mais de désir pur, de ce que Lacan appelle le désir de l’Autre : elles désirent ce qui, en l’autre, échappe à toute capture et à toute norme. Ce désir est insatiable, car il ne vise pas la possession, mais le maintien de la tension.

 

La chasse récurrente n’est pas seulement une intrigue policière : c’est un rituel inconscient. Eve trouve un sens, une excitation vitale, dans la traque. Villanelle trouve une forme d’amour dans le fait d’être poursuivie et reconnue par Eve. Ce rituel entretient une boucle compulsive - proche de ce que Freud nommait compulsion de répétition - où elles rejouent sans cesse la rencontre, la perte, la menace. La psychanalyse y verrait un fantasme d’« union par annihilation » : atteindre la fusion totale en détruisant les limites (physiques, morales, sociales). Dans ce schéma, la mort devient non pas un échec, mais l’achèvement logique du désir : être une à travers la disparition.

 

Killing Eve met en scène deux figures qui se construisent mutuellement à travers le désir, le danger et la transgression. Psychanalytiquement, c’est un récit de miroir pulsionnel, de fusion impossible, et de tension permanente entre Eros et Thanatos où la jouissance réside moins dans la satisfaction que dans l’éternel « presque ».

 

07 août 2025

lettre ouverte à emmanuel macron



Monsieur le président,
 
Français, comme mes parents, mes enfants et mes petits-enfants, et je suis juif.
Mon père, rescapé du camp de Drancy, résistant, a participé dans les FFI à la libération de la France de la tyrannie nazie.
Après un doctorat, j’ai créé plusieurs entreprises, créé de nombreux emplois, participé à mon petit niveau, à la croissance de la France.
Vous vouliez rassembler plutôt que diviser.
je vous ai soutenu.
Dans l’isoloir,
je vous ai élu.
Lorsque vous avez refusé de participer à la manifestation contre l’antisémitisme,
vous m’avez déçu.
Lorsqu’à l’ONU vous avez voté des résolutions honteuses émanant de régimes totalitaires pour condamner la seule démocratie du Moyen-Orient,
vous m’avez perdu.
Lorsque vous avez refusé l’accès d’entreprises israéliennes d’un salon sur l’armement, dans mon estime
vous avez déchu.
Lorsque vous avez dissout l’Assemblée Nationale puis avez soutenu le LFI, plus bas encore
vous êtes descendu.
Lorsque deux jours avant la commémoration du pogrom perpétré par le Hamas contre des civils, hommes, femmes et enfants, vous exhortez à ne pas livrer d’armes à Israël pour éliminer les terroristes ennemis de l’occident et assassins de français, et sauver des otages, notamment français, alors que la France vend des armes au Qatar,
vous vous êtes vendu.
Vous pensiez savoir manipuler l’opinion ; vous ne comprenez ni vos électeurs ni ceux de vos opposants.
Vous avez laissé se développer la haine, le rejet de l’autorité, et l’antisémitisme.
Vous avez généré le chaos et poussé les électeurs plus que jamais vers les extrêmes.
Vous vous croyiez un grand homme ; vous n’en avez pas l’étoffe.
L’histoire ne retiendra de votre présidence que le passage d’une girouette aveugle qui s’oriente en fonction du vent pour plaire au plus grand nombre, et finalement déplaire à tout le monde.
 
Arno Klarsfeld